I. 3. La difficile idée d’évolution (3. 2. 15. / 3. 2. 19.)

Après nous être essayé à présenter le darwinisme en tenant compte de quelques-uns des nombreux débats scientifiques qu’il a suscité, nous proposons ici un retour à Darwin sous un angle plus proprement philosophique, pour tenter de définir la “métaphysique” de l’évolution, laquelle aura manifestement suscité d’importantes confusions, comme le montre notamment sa mobilisation sous la forme d’un évolutionnisme forcené, se présentant comme un darwinisme social.

Sous ce registre, ce que l’on découvrira ci-après a de quoi effrayer : de beaux esprits discutant des possibilités d’un élevage humain. De grands scientifiques communément convaincus, avant la Seconde Guerre mondiale, de la nécessaire élimination des « races inférieures ». De vastes programmes de stérilisation des asociaux menés tranquillement dans des sociétés démocratiques à l’insu mais au vu de tous.

Nous soulignerons que la critique de telles idées n’a jamais été véritablement faite, un voile pudique étant simplement jeté sur elles après la Guerre. Certes, ces réalités ont récemment fait l’objet de nombreuses études historiques. Mais on ne les a encore que peu méditées. En ce sens, il nous faudra particulièrement comprendre pourquoi le terme de darwinisme social est impropre. Car Darwin n’est pas évolutionniste au sens d’un Herbert Spencer. Il ne réfère pas en effet l’évolution à des valeurs extérieures à elle. Comprendre ce que cela signifie, comme nous allons nous y essayer, paraît indispensable pour comprendre l’idée d’évolution. Nous nous attacherons à développer ce point difficile et avec lui ce que peut signifier pour l’homme de relever de l’évolution – ce dont plus grand monde ne discute encore mais qui paraît pourtant sur bien des points demeurer très mal compris.

Au total, notre présentation prendra pour support : A) la crise actuelle de l’idée de spéciation ; B) le darwinisme social ; C) le sens de l’idée d’évolution.

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A) La crise de l’idée de spéciation

La question de l’espèce comme unité de base ou non de l’évolution. Une théorie de l’évolution est-elle encore accessible ? La statut de la notion d’espèce : évolution ou continuité du vivant ? La notion de race. Défense de la notion d’espèce, d’un point de vue darwinien strict et reformulation de la nécessité adaptative. La néoténie. L’espèce comme un phénomène de dérive génétique. La biologie moderne peut-elle encore se réclamer de Darwin ?

B) Le darwinisme social

L’évolutionnisme de Herbert Spencer. L’évolutionnisme ne coïncide pas pleinement avec les principes du darwinisme. La loi de Haeckel : l’ontogenèse récapitule la phylogenèse. L’ordre social fondé en nature. Le racisme ordinaire du XIX° siècle. Naissance de l’eugénisme moderne. Les programmes de stérilisation. L’élevage humain. Objections courantes contre le darwinisme social. Leur faiblesse. On ne réfute pas le darwinisme social en excluant l’homme du jeu de l’évolution et de la sélection naturelle. Le rejet contemporain de l’évolutionnisme. Nous ne pensons pas facilement le relativisme des qualités que nous prêtons aux êtres et cela nous empêche de comprendre véritablement l’idée d’évolution.

C) Le sens de l’évolution

Lamarck et Darwin face à l’idée d’évolution. La « théorie de l’évolution » de Darwin n’est pas évolutionniste. Un tournant gigantesque dans l’histoire des idées. Le catastrophisme moderne ou la confusion entre contingence et hasard, entre évolution et progrès. Si nous sommes, c’est que le hasard a pu être vaincu ! Nous sommes des vestiges. Ce que signifie notre statut d’êtres vivants. L’être n’est pas substance mais système. En lui-même, l’individu représente une réalité partielle, incomplète dont le seul destin possible est la mort.

Les gymnastes gerhard Keil 1939

Gerhard Keil Les gymnastes, 1939.