LE MONDE

« Le monde » n’est pas une chose mais une opération intellectuelle qui consiste à rassembler tout ce au sein de quoi nous sommes. En ce sens, le monde est sans représentation précise et la présente section a pour objet de cerner l’idée de monde – l’idée, soulignons-le bien et non la chose. Car le monde est-il un objet ? Si tel est le cas, c’est un objet tout idéel, puisqu’irreprésentable et encore moins sensible.

Dans la précédente section, l’absolu apparaissait également comme une simple idée, permettant de mettre en perspective tout ce qui est. Mais si l’absolu est le Tout, le monde est notre Tout. Son idée ne nous invite pas à quitter, à dépasser ce qui est autour de nous mais au contraire à mieux le saisir, à mieux l’appréhender sous une perspective non pas transcendante mais mondaine et nous incluant. Dans l’idée de monde, notre participation est essentielle car si dans l’absolu tout est mis en perspective, dans le monde c’est nous-mêmes qui sommes mis en perspective au sein de tout ce qui nous coexiste, de tout ce que nous pouvons reconnaître tel – de tout ce que nous devons reconnaître comme réel. La réalité est ainsi la première détermination du monde que nous retiendrons. Or, tout ce qui est réel renvoie à deux autres déterminations essentielles du monde : l’espace et le temps, car c’est par rapport à eux que toute réalité peut être pensée. Or l’espace et le temps introduisent au sein du monde un concept problématique : l’infini. Et celui-ci invite à préciser la réalité comme matière, comme élément sous-jacent fondamental du monde et de ses lois, comme réalité originelle et première. Or, comme matière, le monde est soumis à des lois déterminées. Il forme un tout que l’on peut caractériser comme nature.

Entre matière et nature, nous aurions pu intercaler tout ce qui se rapporte à l’univers, la cosmologie. Mais parce que la notion de création paraît inévitable – d’un point de vue philosophique mais non pas physique – par rapport à toute cosmologie, nous en avons plutôt traité en 1. 11., dans la section propre à l’absolu.

Au total, posant le monde comme réalité (2. 1.), celle-ci nous amènera à considérer ses cadres que sont l’espace et le temps (2. 2.) et ces derniers à leur tour l’infini (2. 4.). Celui-ci nous tournera vers la recherche d’une réalité première, la matière (2.4.) qui, dès qu’on la pense comme organisée par des lois, définit la nature (2. 5.). Il restera alors enfin à nous demander si les changements dans cette nature relève d’une nécessité ou de la contingence (2. 6.).

Voici le parcours que nous suivrons  – par rapport auquel la vie, le vivant et la finalité, soulignons-le, ne seront pas considérés en tant que tels mais feront l’objet de la section suivante. D’autres parcours auraient pu être retenus, ainsi que d’autres concepts. Ceux dont nous traiterons ci-après nous permettront néanmoins de poser les questions qui nous semblent les plus essentielles concernant le monde ; pour tenter finalement d’appréhender ce dernier en lui-même, ainsi que les démarches scientifiques qui le décrivent, en conclusion (2. 7.).