Ouvrant la possibilité d’une véritable reprogrammation de notre nature, les biotechnologies nous invitent à une redéfinition de nous-mêmes, considère-t-on souvent. Elles soulèvent dans la même mesure le risque d’une perte de nous-mêmes, si cette redéfinition est pilotée par d’autres.
Ce n’est pourtant pas ainsi que les choses se passent. Les principales avancées biotechnologiques sont d’abord présentées comme thérapeutiques. Elles promettent de faire ce que la médecine était jusque là impuissante à réaliser et, sous ce jour, elles sont capables de recueillir rapidement une assez large approbation – le clonage humain thérapeutique en témoigne, nous l’avons vu.
Autant dire que sauver une vie vaut tout, dès lors que cela devient possible et relève d’un libre choix. Ce n’est pas à une redéfinition mais à une extase de nous-mêmes que nous invitent les biotechnologies. Mais quel « nous-mêmes » ? Alors que se profilent de vertigineuses perspectives de malléabilité du vivant, n’est-ce pas la vie qui sera consacrée et mise au centre de tout ? Le fait de vivre – qu’on s’efforcera de toujours plus prolonger dans des conditions meilleures – plutôt que le fait d’être un vivant aux caractères et au destin clairement défini ? Mais alors, il convient particulièrement de souligner que la vie n’a, selon les représentations communes, guère de valeur en soi.
Qu’on le veuille ou non, nous sommes entrés dans l’âge des biotechnologies. L’homme va devenir capable de redéfinir sa propre nature, tant comme espèce qu’à l’échelle individuelle – d’une manière fort naïve, les rêveries transhumanistes le marquent aujourd’hui (voir 3. 3. 17.).
Or ces avancées transforment le vivant en matière. Non que le mystère de la vie ait été percé. Non que nous soyons maitres de la vie. Mais nous pouvons désormais « façonner », « travailler » le vivant comme un matériau. Dès lors, quelle valeur aura-t-il en tant que vivant ? Dit autrement : tous les vivants auront-ils la même valeur ? Si ces technologies ne sont pas accessibles à tous, ne génèreront-elles pas de fortes inégalités de… vie ? D’ores et déjà, il n’est plus totalement utopique d’imaginer que, réservées à quelques-uns, du fait notamment de leur prix, les biotechnologies de demain génèrent de fortes différences en termes de caractères physiques et mentaux, ainsi qu’en temps moyen de vie, entre les hommes. Aujourd’hui, déjà, l’espérance de vie est inégalement partagée d’un continent à l’autre, ainsi que selon les conditions sociales dans les pays les moins riches. Et si cela devenait la norme demain, de manière encore plus nette ? Saurions-nous prévenir une telle évolution dès lors que les questions éthiques, de nos jours, sont tranchées au nom d’un principe, que l’on attribue volontiers à Kant, selon lequel le respect pour la personnalité humaine est un respect pour quelque chose de tout à fait autre que sa vie.
Nous tenterons de l’appréhender à travers trois thèmes : A) La continuité vitale. B) L’embryon. C) La vie représente-t-elle une valeur ?
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A) La continuité vitale
Que la vie d’un brin d’herbe vaut la nôtre. En quoi nous demeurons vitalistes…
B) L’embryon
Le point de vue de l’Eglise. La défense de l’IVG. Les différentes pratiques de l’IVG. La notion de viabilité et la personnalité de l’embryon. Évolutions juridiques. La chosification de l’embryon. Incertitudes.
C) La vie représente-t-elle une valeur ?
Nietzsche, l’un des rares philosophes de la vie.
Krishna Reddy Germination, 1961.