Les sections précédentes nous ont conduits à saisir l’absolu sous une idée particulière, celle de la Création. Une idée qu’on devine immédiatement aussi incontournable qu’impensable et que les philosophes n’appréhendent d’ailleurs qu’assez rarement en tant que telle.
L’idée de Création, pourtant, appelle le discours et ceci à travers toute une série de questions paraissant inévitablement naïves : pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas rien ? Quelle est l’origine du monde et qu’y avait-il à sa place lorsqu’il n’était pas ? Que faisait Dieu avant de le créer et pourquoi ne l’a-t-il pas créé une heure plus tôt ? De telles questions paraissent enfantines. Elles n’en sont pas moins relativement tardives dans l’histoire des idées. Elles traduisent en effet un point de vue sur le monde que l’Antiquité n’a guère rencontré et que d’autres cultures ont pu assez largement ignorer.
S’il s’agit là de questions naïves, c’est que d’emblée aucune réponse ne semble pouvoir leur être apportée. Comment envisager en effet un commencement de l’espace et du temps ? Pourtant, ce ne sont pas là des questions gratuites. Elles supposent une vision particulière du monde qui frappe celui-ci de contingence. Demander pourquoi est ce monde-ci et non un autre ou rien, c’est dire que le monde ne se suffit pas. C’est dire aussi bien que sa vérité l’excède et est comme au-delà de lui. Avec l’idée de Création, telle que l’ont promue les pensées juives et chrétiennes, l’absolu a cessé d’être du monde. L’absolu est ailleurs et le monde, en regard, peut paraître n’être rien.
Nous allons l’envisager en nous plaçant tout d’abord I) au commencement du monde, pour appréhender ensuite II) l’impensable Création.
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I – Au commencement du monde
A) Du chaos à la Création
Les cosmogonies antiques. Platon. Le Timée. Fortune littéraire du Timée et de l’Atlantide. La khôra. Un monde défini et infini. La Création pour les pensées juives et chrétiennes. Différence avec les perspectives antiques.
B) Le néant
Bergson. Le néant impossible. Zéro. Heidegger. L’expérience du néant comme recul de l’être. Pas d’être sans néant. Jean Scot Erigène. Nishida Kitarô. Deux sortes de néant. Plotin. La procession. Le modèle de la procession-émanation invite à penser une création sans rupture entre ce qui crée et ce qui est créé. Un monde sans causes premières. Influence sur la théologie chrétienne et la mystique judaïque. Le néant nécessaire à l’idée de Création.
II – L’impensable Création
A) L’antinomie de la Création
Kant et le commencement du monde. Une idée transcendantale. Le monde n’est pas. La Création, un concept incontournable ? Le Ying et le Yang. Le vide comme principe.
B) La Création et la cosmologie contemporaine
Naissance de la cosmologie moderne. Newton. Idée d’une histoire du Ciel. La pluralité des mondes. Premiers modèles d’univers en expansion. La loi de Hubble. Le “Big Bang”. Les premières minutes de l’univers. La masse manquante de l’univers. Un univers chiffonné. Le paradoxe d’Olbers. Difficultés à concevoir un univers infini. Difficultés du Big Bang. Le fonds du ciel. Le concept d’inflation cosmique. L’effet Casimir. La Création comme fluctuation du vide. Le monde comme une bulle de champagne. La Quintessence comme constante cosmologique. Le vide et la Création. Quand la science verse sous nos yeux dans la mythologie… Le Big Bang ne nous apprend rien sur la Création. L’éternel retour. Le mythe. Chez les Grecs. Nietzsche. Une intuition existentielle.
C) Création et transcendance
Thomas d’Aquin. Le panthéisme. Le panthéisme de Spinoza. Un discernement de l’absolu et non un concept. La création continuée. Descartes. Dieu crée et maintient dans l’être jusqu’aux essences. Thomas d’Aquin. Création et liberté humaine. Un mystère logique.
Barbara Takenaga Two Waves (2010)