Dans les sections précédentes, nous avons d’abord considéré la magie, une manière d’investir le monde de valeurs sans se reconnaître à la source de cette attribution mais en considérant que, de lui-même, le monde recèle ces valeurs. La magie est un système de certitude immédiate qui ne cherche guère d’explications. Etant un rapport au monde qui investit celui-ci de telle manière qu’il paraît livrer de lui-même les valeurs que l’on place en lui, la magie s’impose sans que l’on comprenne et ses actes paraissent nécessaires alors même qu’ils ne sont pas vérifiés. Mode de déchiffrement complice du monde, la magie force à considérer qu’une pensée conséquente peut être élaborée sans le fondement d’une réflexion, c’est-à-dire sans adopter la position d’un sujet connaissant face au monde et mettant en doute ce qu’il perçoit et comprend de lui.
Nous avons ensuite présenté la phénoménologie, un mode de pensée particulièrement réfléchi lui, qui entend néanmoins parvenir non à une conclusion argumentée mais à une vision, c’est-à-dire à la saisie directe et vraie d’objets, en posant une continuité essentielle entre notre première certitude du monde et tout savoir que nous pouvons prendre de lui. Dans cette perspective, l’idéal de toute science et de toutes les sciences est d’étendre de proche en proche le champ de nos certitudes. La science est de droit, sinon de fait, un savoir absolu. La phénoménologie entend saisir les essences des choses, au point de se sentir capable à ce titre de fonder tous les autres domaines de pensée. Pourtant, est-ce bien à la certitude de fonder le savoir ou le contraire ? Mieux même : d’où tire-t-on que le savoir doit produire de la certitude ? Les sciences transforment et développent considérablement notre vision du monde. Elles ne la rendent pas forcément plus certaine, au contraire. Mais, pour nous apprendre à douter, pour nous rendre moins immédiate la connaissance du monde qui nous entoure, les sciences ne sont pas moins vraies que la magie !
Faire de la certitude le critère de toute connaissance, c’est aspirer à un savoir absolu, nous établissant dans une transparence immédiate et totale par rapport au monde et c’est désespérer de sciences sans cesse mouvantes. A défaut, il faut admettre que la certitude n’est qu’un résultat, fragile et provisoire, loin d’être une donnée première. Qu’il n’est pas de certitude d’ailleurs mais différents assentiments établis par différentes démarches de pensées. Nous en considérerons ici particulièrement trois :
A) La certitude immédiate, sensible, qui se fonde sur l’évidence attachée à un principe, une idée, à l’existence d’un être.
B) La certitude analytique qui en chaque chose veut aller du composé au simple et reconstruire, à partir de là, l’enchaînement des pensées sur la base d’éléments ou de principes premiers.
C) La certitude déductive, synthétique, qui se fonde sur la découverte d’une cause, d’une raison, pour lier des idées, des éléments indépendants. En se hissant du particulier au général, elle produit une certitude argumentée.
Trois certitudes, trois réponses pour surmonter l’épreuve du doute et de l’indécision. Les deux premières en se fondant sur quelque évidence première. La troisième en faisant de la certitude la conséquence d’une vérité et non sa condition ou sa marque. Car une certitude issue de la réflexion peut n’être liée à aucune représentation. Elle peut n’avoir rien d’évident.
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Sommaire :
A) La certitude immédiate
Quand le doute s’installe… Le sens commun. Anti-intellectualisme primaire. Wittgenstein, De la certitude. La certitude distincte du savoir. Hegel. La contradiction de l’immédiat. Valorisation du doute. L’évidence. La certitude critique.
B) La certitude analytique
La valeur magique des mathématiques. Le programme de Hilbert. La réduction des mathématiques à la logique. De l’évidence à la reconnaissance. Le théorème de Gödel. La théorie de la démonstration. Présentation simple du théorème. Le paradoxe de l’autoréférence. Le vrai n’est pas le démontrable. Russell. La théorie des types. Le Cercle de Vienne. L’effectivité. Le théorème de Church. Misère du positivisme logique. Wittgenstein. Vérités de faits. Vérités logiques. La tautologie. Kant : jugements analytiques et synthétiques. Deux dogmes de l’empirisme. Il n’y a pas de faits en soi. Le problème de la déduction. Le psychologisme de l’empirisme logique.
C) La certitude déductive
Le fondement de l’induction. Le scepticisme face à l’induction. La critique empiriste. Popper. Qu’on rencontre peu d’expériences cruciales. La vérité ne suffit pas. La syllogistique. La première figure. La deuxième figure. La troisième figure. La quatrième figure. La question du formalisme de la syllogistique. Singularité de la déduction. L’évidence rationnelle. Contre la méthode. La certitude intelligente. Leibniz. Se détacher des apparences. Frege. Contre la censure positiviste. Verum index sui. L’obscurantisme. Le positivisme entre réalisme et scepticisme. L’auditoire universel. Le raisonnement est toute la vérité.
Joseph Kosuth Néon (1965)